How Many For How Long? (Morphadic Bliss Mix, Instrumental)
All India Radio, Permanent Evolutions, 2005.
Les personnes intelligentes comme Geert Noels ne cessent d’argumenter que “la population vieillissant, bon nombre de fonctionnaires partiront à la retraite dans les 10 prochaines années. Il suffit de ne pas les remplacer” (DM 30/11/2009). Geert Noels a des idées particulièrement sensées sur bon nombre de sujets, mais je crains qu’il ne soit pas vraiment à la page en ce qui concerne les facts and figures de l’administration fédérale. A défaut, il saurait que le remplacement automatique des fonctionnaires fait figure d’exception dans presque toutes les administrations. Il – et il n’est malheureusement pas le seul – part encore toujours du principe que les ‘clercs’ sont encore toujours remplacés par des ‘clercs’. Seulement voilà! La réalité est tout autre.
Il y a dix ans encore, plus de soixante pour-cent des fonctionnaires n’avaient pas fait d’études supérieures ou universitaires. Il est donc logique que la plupart des fonctionnaires qui partiront à la retraite aujourd’hui et dans les années à venir soient, dans une très large mesure, peu qualifiés. Numérisation et simplification des processus obligent, on a besoin de bien moins de personnes peu qualifiées. Par contre, les personnes très qualifiées sont, elles, plus recherchées, notamment parce que les SPF sont investis d’une grande mission de préparation de la politique. Ces trois dernières années, au SPF Sécurité sociale, trois collaborateurs peu qualifiés ont été remplacés par un travailleur hautement qualifié. Notre SPF comptera ainsi 100 personnes en moins dans les trois prochaines années, mais le nombre de crédits de fonctionnement nécessaire reste, pour sa part, inchangé.
Le nombre de fonctionnaires diminuera, certes, mais les charges demeureront identiques. C’est donc une mauvaise nouvelle pour les doctrines traditionnelles de gauche et de droite. On le remarque constamment dans ce débat : le ‘remplacement’ des fonctionnaires pensionnés est confondu avec l’utilisation des crédits ‘libérés’. Les SPF ont, de surcroît, besoin de ces crédits pour attirer les personnes indispensables aux services qu’ils proposent. Car il faut bien le dire, nous ne recevrons aucun moyen supplémentaire – à juste titre : la crise, c’est pour tout le monde. Notre plus grand problème est que nous ne pouvons, à l’inverse du secteur privé, licencier des fonctionnaires qui ne sont plus utiles ou qui le sont moins et ainsi créer de la marge pour de nouveaux engagements. Les autorités n’ont pas non plus de systèmes de pensions anticipées permettant de faire en sorte que d’autres paient leur passif social. C’est impossible en raison de la stabilité de l’emploi dans la fonction publique. Cela étant dit, nous ne le souhaitons pas non plus. Après tout, on ne met tout de même pas à la porte des collaborateurs qui font bien leur travail depuis des années.
Et oui, les administrations qui remplacent systématiquement les fonctionnaires pensionnés continueront d’exister. Quoi de plus simple pour ces administrations que de licencier le haut fonctionnaire. Vous souhaitez connaître les administrations concernées? Il y a un ‘truc’. Compte tenu de la tendance susmentionnée, le nombre de niveaux A et B augmente et celui des niveaux C et D diminue. Prenez la peine de rechercher les administrations où le nombre de fonctionnaires de niveau C augmente encore et vérifiez d’emblée si c’est bien nécessaire. Je parie que les services où le nombre de fonctionnaires de niveau C augmente encore ne sont pas entrés dans l’ère du numérique et que leurs collaborateurs continuent de trimballer des centaines de papiers. Voilà donc comment faire facilement des économies et de manière intelligente.
Et pourtant! On ne peut épargner beaucoup par le biais d’économies linéaires qui consistent, par exemple, à ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois.
Il est toutefois possible d’effectuer des économies intelligentes en rationalisant les processus. J’en parlerai dans mon prochain blog.
En toute objectivité, c’est au sein de notre SPF que les fonctionnaires fédéraux sont les plus satisfaits. Je dis bien ‘en toute objectivité’ car c’est eux-mêmes qui le disent, mais aussi parce qu’ils le prouvent en (a) restant chez nous et (b) retardant leur pension de 2 à 3 ans. Fantastique, me direz-vous, et pour cause! Il faut faire en sorte que les gens travaillent plus longtemps pour lutter contre les effets négatifs du vieillissement de la population. Seulement voilà! Notre organisation doit, sur trois ans, économiser 2,2% sur les crédits de personnel, soit un tiers des fonctionnaires fédéraux qui, ‘en moyenne’, partent à la retraite. C’est une bonne chose pour les administrations où le départ à la retraite est précoce, voire s’inscrit dans la moyenne – il s’agit généralement de mauvaises administrations où les fonctionnaires sont mécontents – mais chez nous, seul 0,7% des fonctionnaires prennent leur retraite. Conclusion: nous ne pourrons plus engager personne au cours des trois prochaines années. Certains départements ne parviennent pas à consommer la totalité de leurs crédits. Je le dis et je le répète: les économies linéaires viennent sanctionner les administrations qui se distinguent par une bonne gestion.
Permettez-moi ici de faire une parenthèse: si le nombre de fonctionnaires n’augmente pas, c’est parce que certains fonctionnaires de haut rang le décident. Par contre, si le nombre de fonctionnaires augmente, c’est parce que des ministres le veulent. Allons-nous enfin examiner quelles administrations ont, globalement, engagé de nouveaux fonctionnaires ces dernières années? J’ai le sentiment que ces engagements sont le fait d’administrations moins performantes. On pense encore trop souvent que les services ne peuvent être plus performants que si on leur octroie des crédits (de personnel) supplémentaires. C’est parfois le cas, mais il s’agit plutôt d’une exception. Cela étant dit, si cette croyance est entérinée dans une ‘loi des Mèdes et des Perses’, on en arrive à une politique de gratification d’un goût très particulier, où les mauvais élèves sont récompensés et les bons reçoivent du bâton.
PS: Ce blog a donné lieu à un dialogue intéressant avec Geert Noels sur Twitter. “En 2011, j’ai mis l’accent sur le fait qu’il faut investir dans les fonctionnaires, également dans les outils (ICT), et dans l’amélioration des compétences” affirme-t-il, en prouvant une fois de plus qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et que ce sont surtout que les personnes intelligentes qui le font réellement.